Je vous répondrai par la mine de mon crayon.

Il y a plusieurs façon de crier, ma préférée c'est le silence.

mercredi 18 juin 2014

Crier: Asile!

Pendant que je reprends pour la millième fois une des mes expressions franchement québécoises et que je tente de la traduire à la française pour me faire comprendre, tu cognes à la porte. Ça fait deux jours que je côtoie ces lieux, si étranges, si inconnus pour moi. C’est froid, c’est un peu inquiétant et ça sent le désespoir… ça sent la solitude. Ce milieu serait 10 fois plus aseptisé au Québec, ça c’est certain, 10 fois plus organisé, mais il y a dans le fonctionnement une sorte de liberté… qui tient entre des clôtures. Une prairie de fausses libertés psychiatriques clôturées.

Mais bon tu cognes à la porte et sans attendre la réponse, tu entres. T’es pas très grand et tes cheveux noirs font de tes yeux bleus, deux grand phares qui éclairent une mer où aucun bateaux naviguent… C’est la première fois que je vois ce genre de regard, je me surprends à dire qu’assurément dans certains films, et honteuse je chasse cette idée de ma tête… Le silence se fait dans la salle, une quinzaine d’infirmières tournent la tête et te regardent, prêtent à agir. Ton visage est d’une beauté, d’une clarté, d’un blanc presque parfait que vient illuminer de manière arrogante tes joues roses.

J’ai de la difficulté à te donner un âge. Je dirais que tu as 16 ans, mais c’est impossible, ici il n’y a que des adultes. Donc, tu as au moins 18 ans. 18 ans de nervosité et de curiosité qui se glisse de notre côté de la porte en tentant de ne pas faire de bruit comme si tu étais subtile. Tu agis comme si personne ne te regardait, tel un ninja. Ça me fait sourire… je suis heureuse que tu casses la monotonie de ma formation…

Instinctivement, je te laisse entrer sans me poser trop de question. Je me rends alors compte que cette seconde nature développée dans mon travail à Montréal, n’est pas présente chez tout le monde. Pendant que je continue à t’observer et à apprécier ta présence dans cet espace, les personnes sur place t’ont déjà dit que cette formation n’était pas pour toi, qu’elle concernait que les gens qui travaillaient ici et que tu devais sortir. Je comprends, je les laisse te dire de partir… J’ai deux emplois tellement différents…

Tu as franchi cette porte deux fois depuis que j’y suis.. À chaque fois, même scénario, on te met gentiment à la porte et je continue ma formation. Tu quittes la pièce, mais pas ma tête. Chaque exemple que je donne, je t’imagine en crise te faire contrôler au sol ou te faire parler de manière infantilisante selon les principes que je donne dans cette formation… Je te vois te désorganiser et te faire enrouler dans une couverture pour te mettre en isolement. Je t’imagine te faire réprimander parce que tu cries et que ça désorganise les autres résidants…


T’es ici pour une raison, je ne sais pas laquelle, mais ton joli visage d’ange à besoin d’aide pour gérer sa tête… Ta tête, c’est un lieu inconnu pour moi, comme cet endroit… cet hôpital psychiatrique. T’as 18 ans environ. À vue d’œil, tu fais parti de la « norme ». À vue d’œil, tu bois des bières sur le bord d’un canal avec tes amis et tu tentes probablement d’embrasser des filles quand t’es un peu trop saoul… Elles se laisseraient faire tu sais, t’as une foutu belle gueule. Ta réalité est autre. Tu te promènes dans un espace semi-champêtre entre des clôturent qui balisent tes marches au grand air. T’as peut-être des amis, mais nous on ne les voit pas. T’as peut-être envie d’embrasser des filles, mais ici les filles elles ont d’autres trucs à gérer… 


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