Je vous répondrai par la mine de mon crayon.

Il y a plusieurs façon de crier, ma préférée c'est le silence.

mardi 26 novembre 2013

Et ces émotions qui traversent même la ferraille...

Il pleut et tous les passants s’entendent sur le fait que, rendu à cette date, de la neige serait bienvenue. J’entre et sors de mon tas de ferraille préféré qui me sert de prétexte, faisant du mieux que je peux pour faire fit de la pluie, comme sur le dos d’un canard, qu’on dit.

À l’intérieur comme à l’extérieur du van, on rit. Cette semaine l’équipage est tout en féminité. Coin St-Denis et une rue dont je ne donnerai pas le nom, par souci de ne pas y faire débarquer un tsunami de pitié, j’aperçois une menu silhouette appuyée sur du béton, qui paraît détrempée. Je suis encore à plusieurs mètres et entre moi et ce petit être il y a un volant, plus tout le devant de mon tas de ferraille préféré et pourtant… Et pourtant, je sens un énorme froid pénétrer ma poitrine et me traverser jusqu’entre les omoplates. Les parkings montréalais étant compliqués je dois passer devant la boule de fragilité pour plus loin me stationner… Et puis bam, le froid me traverse encore. Pourtant, entre toi et moi, il y aune portière et une humaine, une des guerrières de la soirée. Comment un froid virtuel peut être aussi puissant. Je vous jure entre les humains, il y a parfois des chocs électriques décoiffants et c’est en ouvrant réellement les yeux qu’on les sent. En regardant chaque personne également, vous devez être prêt à tout comprendre rapidement.

Tout cela semble prétentieux, je l’avoue… Serait-ce mon 6ième sens féminin ou mon cœur d’éponge qui guide le navire, je ne sais pas, mais je vous jure que professionnel ou pas, vous ne pouvez le cacher ou le tasser, il vous drivera. Parfois, la motivation de sortir du van est vague, ben  vague. Il faut la replacer, la ramener dans les bons souliers ou même accepter de ne pas arriver d’un but chaussé. Tu le sais pourquoi tu sors. Il y a la réponse que tu connais par cœur, celle que tu répètes souvent. Mais parfois celle de l’âme intervient en cognant ben fort à la porte, pis t’as beau prendre ton sling shot pour repitcher ton émotion à l’autre coin rue, je vous jure que ça sprint vite en maudit un sentiment qui veut revenir au bercail.

Pis j’entends tous mes amis et ma famille me dire que je suis forte de faire ce job. S’ils savaient que j’ai les genoux mous à chaque fois. S’ils savaient que c’est ma grande fragilité qui me permet de faire ce qui ne m’apparaît pas comme un job, mais bien comme une évidence, une ligne directrice, une ligne de pensée. Ce n’est pas bien compliqué, on parle de simples rencontres et d'échanges entre êtres humains qui se reconnaissent dans leur individualité, leur identité, leur authenticité, leur particularité, leur savoir, mais qui avant tout voit en l’autre un potentiel, une égalité, un miroir à soi même, l’être humain. C’est peut-être pas si simple finalement, sinon, j’en rencontrerais probablement moins… C’est peut-être pas si simple finalement, de se promener en laissant sa pitié à la maison.

Tout cela pour dire que j’ai réussi à stationner mon gros tas de ferraille préféré sur un coin de rue. Avant de sortir, j’ai respiré. Parfois, ça me prend plus d’oxygène qu’à l’habitude pour parler. Je suis sûre que ça vous est déjà arrivé, manquer d’air pour vous exprimer. Parfois, on le sait d’avance, on sait qu’on aura le souffle coupé, alors naïvement, on respire plus fort comme pour stocker… J’aurais beau me plogguer un aspirateur inversé aux lèvres… je sais que ça ne changera rien. Je me planque un sourire au visage, me disant qu’il n’y a peut-être aucune raison de sourire, mais présupposer le bonheur, ça donne du courage. Il y a toujours une raison de sourire… hein?

Je sors doucement comme sur la pointe des pieds, je marche comme si un bébé dormait dans la pièce d’à côté… en plein quartier latin, vous voyez l’image. Je suis de l’autre côté de la rue et tu m’as déjà remarquée… pour moi j’ai enfilé des gros souliers bruyants sans le vouloir… L’émotion ça pèse lourd, ça s’entend de loin. Je tente de laisser celle-ci devant le poteau de circulation, mais c’est comme un boulet de prisonnier, elle me suit jusqu’à toi. Au moins, j’ai mon prétexte qui est stationné à proximité, ça me permettra de détacher le boulet quelques instants… Parfois je me demande qui est le participant… en fait la réponse est clair, ici bas tout le monde apprend à chaque instant. Je suis une boule d’émotions vous comprendrez, mais j’arrive pourtant à la détacher de toute pitié… Écrire de longs textes m’aide sûrement à filtrer.

Mais que s’est-il passé me direz-vous ? Ben tout cela, dans ma tête et d’un seul coup. L’image n’est pas si différente pourtant. Quoi de nouveau sous le soleil pensez-vous ? Ben à chaque soir, c’est nouveau et l’émotion me guette à chaque arrêt, comme une taquine d’amie qui m’attend toujours avec un sourire qui fait penser qu’on ne sait pas vu depuis longtemps et pourtant. J’ai commencé la page en voulant vous parler de la petite silhouette, puis ben voilà, je n'en vois pas l’utilité. Parce que tout le courant qui est passé, jamais ne pourra trouver les mots juste pour l’expliquer et je ne voudrais pas mettre sur cet événement un vent de pitié. Vous savez, c’est comme se trouver devant un beau paysage et penser qu’une photo rendra bien le moment. C’est toujours moche quand on montre la photo en revenant. C’est toujours plus terne comparativement à ce qu’on a vu. Ben ici, c’est pareil ! Ce qui s’est passé, les mots, le moment, l’émotion, la tentative de mettre l’émotion de côté, l’échec de cette tentative, la bouteille de limonade, ma main sur sa joue, sa joue sur ma main, ma main trop petite pour le moment, le silence, l’impuissance, la reconnaissance de la femme, la reconnaissance de la honte, ma honte de ne pas être à la hauteur, le partage, tout cela ne vous sera pas expliquer. Je ne le mettrai même pas dans l’ordre, parce que j’estime que parfois, même quand je roule dans mon tas de ferraille préféré, je vis des moments qui m’appartiennent, qui nous appartiennent à elle et à moi et que nous ne pourrions pas décrire, parce que ça ne se passe pas dans les mots, mais bien dans ce grand froid qui nous traversait et que nous avons en vain tenté de réchauffer à deux… L’être humain résiste très mal au grand froid virtuel…


Pour toute cette pitié qui tente ben fort de frayer à la surface de l’égalité… Je te laisserai pas remonter… J'ai beaucoup mieux à partager!

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