Je vous répondrai par la mine de mon crayon.

Il y a plusieurs façon de crier, ma préférée c'est le silence.

mardi 12 novembre 2013

Là où les genoux flanchent en silence.


 Je suis entrée chez une trentaine  d’hommes sans cogner. Une grande maison qui a l’air aseptisée, mais qui ne l’est pas. Je suis rentrée même pas sur la pointe des pieds, avec assurance un objectif à la main. J’ai pourtant l’habitude de me tenir à l’entrée, mais les grands froids sont arrivés et les 30 hommes écoutent bien au chaud la télé. C’est fou parfois où on peut se sentir en sécurité.

Deux habitués m’ont accueillie cigarette au bec, prenant de mes nouvelles. Je suis toujours attendrie par le fait qu’ils sont vraiment intéressés à entendre la réponse au « How’s going ? » qu’on lance trop souvent sans prendre en considération la suite ou l’impact de cette question. Je leur ai demandé si je pouvais entrer… une habitude j’imagine, puisque la porte n’est jamais barrée… Les jeunes hommes entrent avec moi, je me sens escortée. C’est fou parfois où on peut se sentir en sécurité.

Trop froid pour lire, j’ai décidé de jouer. Imaginez, une gamine chez une trentaine d’hommes qui a pour but de s’amuser… Mes ambitions sont parfois loufoques, je le sais. J’ai mes deux acolytes thé en main qui me suivent sans broncher, ce soir je suis accompagnée de deux vrais guerriers. C’est fou où parfois on peut se sentir en sécurité.

Pis mon petit cœur me dit qu’on a vu pire, comme misère ça va aller. Je m’approche demande ce qui joue à la télé et présente mes deux guerriers. Mon cœur saute une fois, je dois l’avouer. Ils sont tous assis comme des ados côtes à côtes, comme pour se réchauffer. En guise de réponse, j’ai droit à un grand silence et quelques soupirs. Ils sont parfois en sécurité.

Un grand gaillard vient me retrouver. « Do you wanna play a game ? » , je lui ai lancé bien décidée. Il me répond en riant, entendant mon accent : « En français ça va aller ! » Il m’amène à la table entre deux Kratf Dinner et des hommes attablés. Mon cœur flanche part two, mais ça va aller. On a vu pire, mais c’est fou où parfois on peut se sentir en sécurité.

Je joue avec mon jeu de carte imaginaire, l’amenant là où je veux bien, sans lui expliquer. Il ricane et me suit sans hésiter, en me laissant jouer dans son quotidien particulier. Puis à l’arrière j’entends une voix qui vient vers moi et des éclats de rire. Visiblement, il y a de quoi se moquer et le sujet assume ce qu’il vient de provoquer. Je me retourne vers TOI. Dans une autre vie, tu as assurément été une princesse et tu en as gardé toute les manières et la prestance. Tu pavanes ta réincarnation partout dans la maison, à en faire éclater de rire tes compagnons. Voyant que j’amène ton collègue vers un but, sans l’avertir, tu t’exclames : "I’ll bring you somewhere if you want !" J’éclates de rire, on ne joue plus aux cartes, c’est clair. C’est fou où on peut se sentir en sécurité.

Et tu t’assoies prêt à lire dans ma tête. T'as le shaman à quelques pas. Tu vas m’apprendre à jouer je ne croirai pas ça. Tu prends le tableau pour y écrire et me servir mon propre jeu. Après quelques manipulations, tu te lèves en criant : « I got you, you see I got you ! » Vu de l’extérieur c’est à n’y rien comprendre, mais you really got me. You got me à ton rire du début. You really really got me. Et mon cœur flanche round 3, j’ai les genoux mous et la babine qui tremble intérieurement. C’est fou, avec toi je me sens en sécurité.

Je me retourne vers mon compagnon du départ sous les rires amusés de mes guerriers qui tout en donnant du thé échangent quelques sourires. Puis, la princesse réincarnée revient avec un compagnon aux airs de gamin. Il l’asseoit en face de moi et me dit : « Play ! ». Cet ordre me déconcerte et m’amuse à la fois. Vsiblement, tu as assez aimé pour m’amener un autre homme à amuser. La maison a entendu l’interaction, on écoute maintenant le jeu plutôt que la télé. Et c’est fou, avec tous ces regards sur nous braqués, je me sens en sécurité.

Mon cœur flanche  quasiment en chaos final à TA vue. Comment on peut entrer une âme de gamin aussi bien dans le corps d’un adulte et en garder toute la pureté. Et toi, tu as compris toute l’essence de la phrase : « Il nous fallut bien du talent pour devenir vieux sans être adulte ». Tu t’asseois de côté, pendant que princesse te bouscule un peu, amusé. Tout ton corps me manifeste ton mal aise et ton envie de te sauver. Je m’approche tranquillement, j’ai une réplique du petit prince tout à portée, faudrait pas gâcher le moment. C’est fou, je ne te sens pas en sécurité.

Les hommes ricanent entre deux bouchers de Kraft Dinner. T’as un nom d’artiste de Pop Art ça rajoute à ton mystère. « Do you really wanna play ? » Et puis bang, tu souris timidement. J’hésite à affirmer si tu got me ou je got you. Je me lance et tu me suis les yeux illuminés. Jamais vu quelqu’un laisser autant entrer une personne dans sa bulle. Et puis bam, la conclusion révélée, tu crois que j’ai lu dans tes pensée, mais non j’affirme t’avoir contrôlé. Ta bouche s’ouvre, émerveillé. Pourtant, j’ai rien expliqué, t’as tout compris, t’es silencieux, mais putain que t'es allumé. Tu disparais subtilement, je ne sais où dans la maison des 30 hommes en sécurité devant la télé.

La princesse revient dans ses bras me serrer et le gaillard me tient la main content d’avoir su jouer. Mon cœur veut partir en courant. Mes deux guerriers viennent me retrouver, puis sur mon épaule je sens un doigt tapoter. Je me retourne et vois le petit prince qui me tend un objet que je n’arrive pas à identifier.  « My art » qu’il dit en regardant le plancher. Je me retrouve avec un phoque, un poisson en bouche tout travailler au fil de métal, dans la main.  Après quelques échanges, on comprend que le petit prince nous l’offrira en cadeau, une fois terminé… J’ai les genoux qui flanchent à l’intérieur et mon âme qui se sent en sécurité.


Dans la maison des trente hommes, aujourd’hui jai aperçu une seule femme parmi la masculinité. Elle revenait joues rosies par la courses, écouteurs aux oreilles et paix de retour d’exercice plaquée au visage.  Aujourd’hui, de 30 hommes entourés mes genoux ont flanché en silence, parce qu’on aura beau voir de la grande misère, on dirait que malgré qu’on ne peut jamais s’y habituer, on prend nos airs, on se forme une carapace. C’est devant un quotidien, un authenticité, un accueil, une confiance, un partage de moment où on se sent en sécurité que les gens se révèlent, qu'ils nous font l’honneur de mettre les pieds dans leur maison, même si elle n’est jamais barrée.

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