Je vous répondrai par la mine de mon crayon.

Il y a plusieurs façon de crier, ma préférée c'est le silence.

mercredi 20 août 2014

Je ne me suis pas maquillée...



Ce matin, je me suis levée, et comme presque tous les matins, je n’ai rien appliqué dans mon visage. J’aurais pu prendre un seflie pour promouvoir la beauté au naturel, lancer un message d’espoir pseudo-féministe aux générations futures et accumuler en quelques minutes les commentaires faisant éloge de mon courage… Mon quoi ???? Non, je refuse ! Il y a des matins où je me maquille d’autres pas, question de feeling, de dynamique, je n’ai aucune idée, ça change à chaque jour. 

Je ne fais pas preuve de courage lorsque je sors de chez moi le minois complètement plain… Je me positionne pas contre une industrie de l’apparence et de la perfection… Je sors juste de chez moi pas maquillée, sans courage et j’aurai la même démarche, la même drive, la même confiance en cette foutue face pleine d’imperfections ou pas, mais parfaitement à l’aise de sortir.


J’en ai marre, marre de lire que les femmes sont courageuses quand elles prennent des selfies sans maquillage. Marre que ça soit un statement… Marre que tout cela ne fasse que confirmer qu’une fille sans maquillage c’est un épreuve, un défi, une mission ou un chemin de croix. Je ne veux pas me sentir obligée de me maquiller, pas plus que de ne pas le faire. Est-ce que je peux décider de ce qui fait de moi une femme courageuse ? Ce qui fait de moi une femme fière de ses accomplissements et non de son visage ? Ce qui fait de moi une femme belle, maquillage ou pas ? Ne pas me maquiller n’est pas un statement féministe, social ou esthétique… Ne pas me maquiller est quelque chose qui devrait passer inaperçu comme quand je le suis… Ne pas me maquiller est quelque chose qui devrait se démarquer, comme quand je le suis… Ne pas me maquiller est quelque chose qui devrait être banal, comme quand je le suis… Ne pas me maquiller est un acte matinal qui m’enjolive autant que quand je le suis… Tout simplement.

mercredi 18 juin 2014

Crier: Asile!

Pendant que je reprends pour la millième fois une des mes expressions franchement québécoises et que je tente de la traduire à la française pour me faire comprendre, tu cognes à la porte. Ça fait deux jours que je côtoie ces lieux, si étranges, si inconnus pour moi. C’est froid, c’est un peu inquiétant et ça sent le désespoir… ça sent la solitude. Ce milieu serait 10 fois plus aseptisé au Québec, ça c’est certain, 10 fois plus organisé, mais il y a dans le fonctionnement une sorte de liberté… qui tient entre des clôtures. Une prairie de fausses libertés psychiatriques clôturées.

Mais bon tu cognes à la porte et sans attendre la réponse, tu entres. T’es pas très grand et tes cheveux noirs font de tes yeux bleus, deux grand phares qui éclairent une mer où aucun bateaux naviguent… C’est la première fois que je vois ce genre de regard, je me surprends à dire qu’assurément dans certains films, et honteuse je chasse cette idée de ma tête… Le silence se fait dans la salle, une quinzaine d’infirmières tournent la tête et te regardent, prêtent à agir. Ton visage est d’une beauté, d’une clarté, d’un blanc presque parfait que vient illuminer de manière arrogante tes joues roses.

J’ai de la difficulté à te donner un âge. Je dirais que tu as 16 ans, mais c’est impossible, ici il n’y a que des adultes. Donc, tu as au moins 18 ans. 18 ans de nervosité et de curiosité qui se glisse de notre côté de la porte en tentant de ne pas faire de bruit comme si tu étais subtile. Tu agis comme si personne ne te regardait, tel un ninja. Ça me fait sourire… je suis heureuse que tu casses la monotonie de ma formation…

Instinctivement, je te laisse entrer sans me poser trop de question. Je me rends alors compte que cette seconde nature développée dans mon travail à Montréal, n’est pas présente chez tout le monde. Pendant que je continue à t’observer et à apprécier ta présence dans cet espace, les personnes sur place t’ont déjà dit que cette formation n’était pas pour toi, qu’elle concernait que les gens qui travaillaient ici et que tu devais sortir. Je comprends, je les laisse te dire de partir… J’ai deux emplois tellement différents…

Tu as franchi cette porte deux fois depuis que j’y suis.. À chaque fois, même scénario, on te met gentiment à la porte et je continue ma formation. Tu quittes la pièce, mais pas ma tête. Chaque exemple que je donne, je t’imagine en crise te faire contrôler au sol ou te faire parler de manière infantilisante selon les principes que je donne dans cette formation… Je te vois te désorganiser et te faire enrouler dans une couverture pour te mettre en isolement. Je t’imagine te faire réprimander parce que tu cries et que ça désorganise les autres résidants…


T’es ici pour une raison, je ne sais pas laquelle, mais ton joli visage d’ange à besoin d’aide pour gérer sa tête… Ta tête, c’est un lieu inconnu pour moi, comme cet endroit… cet hôpital psychiatrique. T’as 18 ans environ. À vue d’œil, tu fais parti de la « norme ». À vue d’œil, tu bois des bières sur le bord d’un canal avec tes amis et tu tentes probablement d’embrasser des filles quand t’es un peu trop saoul… Elles se laisseraient faire tu sais, t’as une foutu belle gueule. Ta réalité est autre. Tu te promènes dans un espace semi-champêtre entre des clôturent qui balisent tes marches au grand air. T’as peut-être des amis, mais nous on ne les voit pas. T’as peut-être envie d’embrasser des filles, mais ici les filles elles ont d’autres trucs à gérer… 


mercredi 28 mai 2014

Comme un vent doux sur la toundra

Hier, j’ai vu ton frère, ben je savais pas que c’était ton frère en fait… c’est vraiment bête ! Il m’a dit que c’était sa fête. Je n’ai aucune idée si c’était vrai, mais je lui ai chanté Happy Birthday dans un micro en plastique, pis je lui ai donné une fleur. Tes amis se sont tous approchés pour venir me voir ou voir qui était dans la van en fait… C’est bête, parce qu’à ce moment, je ne savais pas que c’était tes amis… Ils ont chanté bonne fête tsé ? Pis un d’entre eux a chanté un truc en inuktitut, ça a fait rire ton frère ! Il y avait un truc qui clochait, un genre de vide, des points de suspension… pis j’avais une fiche d’identification en main… Ça c’est encore plus bête… Tout ça pour dire qu’anniversaire ou pas, je te promets que je lui ai fait une petite fête et une remplie de joie, parce que je ne savais pas que c’était ton frère et ça c’est magique, parce qu’avoir su j’aurais pas eu cette naïveté, cette spontanéité. La vie c’est bien fait parfois… ça aussi c’est bête comme phrase. Esti que c’est une phrase de réconfort de peine d’amour…

J’aurais pas su quoi dire de toute manière, si j’avais su. Qu’est-ce qu’on dit par chez vous ? Mes sympathies ? Sympathiser, c’est tellement frette de chez frette commandité par frette… J’aurais souri, ça je sais faire… Un sourire qui veut dire tout pis rien à la fois. J’aurais voulu lui faire un câlin à ton frère, mais est-ce qu’il aurait voulu ? Je me suis faite une petite histoire, qui met en scène le tout… pis j’arrive pas à trouver ça bien. J’arrive pas à me dire que ça s’est bien passé… Je suis positive, j’ai le bonheur facile, mais là la réalité à goûte un truc de ben nouveau. J’ai une image de ruelle, tsé.. Ça trotte pis ça trotte dans ma tête. J’ai une image de plusieurs visages qui t’aiment beaucoup, qui hier étaient trop calmes, qui se promenaient et qui parlaient à peine. À ce moment, je savais pas… Je savais pas que c’était tes amis et ton petit frère, mais tout mon corps et mon cœur l’ont senti et ça c’est pas le métier qui rentre, j’te jure il y a pas une formation qui peut te préparer à ça. C'est d'humain à humain...

Un pepsi, c’est pas mal à ça que se résume notre relation. Peut-être un verre de kombucha, mais assurément un pepsi et t'es la première que j’ai vu mangé des moules crues… J’en ai mangé une  l’autre jour ! Juste avant mon anniversaire… J’ai eu 29 ans pis tout. Je sais qu’on s’est pas beaucoup parlé de nous, pis que plus souvent qu’autrement quand je t’ai vu tu dormais bien installée à proximité de ton compagnon. Je me souviens de ce Pepsi que tu m’avais demandé avec insistance me tendant ton change et me pointant le McDo. Je me souviens que je prenais mes airs de médatrice à ce moment et que je bâtissais lentement ma manière de faire. Tu es une des premières à côté de qui je me suis assise ! Tu es une des premières à m’avoir fait comprendre que je voulais m’asseoir près de vous et que j’étais toujours plus chamboulée devant une femme. Ça me touche toujours autant... 

La vie elle part vite, pis pas à la fois. Pis pouf dans un coup de vent de début de printemps, ben la mort elle arrive tout doucement, du moins je l’espère que ce fût le cas, dans une ruelle. Pis comme dit Elisapie Isaac, je rêve que ça été "comme un vent doux sur la toundra". La tienne elle n’a pas fait assez de bruit à mon goût… Ton souvenir pour moi, il est tout simple et c’est pourquoi la prochaine fois que je passe devant ce McDo… je vais me caller un grand Pepsi à ta santé. Pis je te promets de fêter mille fois la fête de ton frère cette année, à chaque fois qu’il me le dira, que ça soit vrai ou pas !


Atsunai…

mardi 21 janvier 2014

Reconnaissante

Depuis quelques semaines, j’ai une petite fixation sur le concept et le sentiment de reconnaissance. Être reconnaissante… Tout cela était un peu accessoire jusqu’à ce que je te rencontre. Il existe en inuktitut un mot bien joli pour exprimer cette émotion, Nakurmiik. Au-delà du merci traditionnel, il englobe un bien plus grand concept celui d’être reconnaissant. On dirait que merci dans notre langue devient tout banal quand on lit la définition du même mot dans une autre langue et pourtant.

Par les froids qui courent les rues de Montréal, j’ai aux mains de biens précieuses mitaines. Elles le sont pour plusieurs raisons, entre autre, elles sont chaudes, mais en plus elles m’ont été offertes par ma grand-maman. OH ! Elle m’a offert un cadeau à chaque année depuis ma naissance, mais celui-là est de mémoire le dernier qu’elle m’est offerte consciemment… En fait, ce que les nerfs et la mémoire de ma grand-maman, ben ils prennent un à un des vacances pour ne jamais revenir. C’est la plus souriante des tremblotantes de grand-maman ex-yogi. Mais ça reste que de simples mitaines quand on y pense bien.

Il est donc évident pour moi que ces deux petits bouts de cuir sont ceux les plus adéquats pour aller travailler par temps de grand froid. Je ne pouvais pas me douter qu’ils allaient être à la base d’un échange des plus humains que j’ai connu. Un moment où la petite fille est ressortie en moi en un seul coup et où une personne remplie de générosité et de compréhension m’a réellement fait ressentir ce que c’était d’être reconnaissante.

J’ai l’habitude d’enlever mes mitaines en me promenant, je les tiens nonchalament dans une main, mais aujourd’hui il fait froid, très froid et je balance innocemment un objet bien précieux pour plusieurs personnes. C'est tout autant vrai pour toi qui me les enlève de la main pour les glisser au tiennes en disant un rapide et gêné "merci" en te retirant un peu plus loin. En quelques secondes, mes mitaines ont quitté mes doigts pour terminer à recouvrir les tiens. Moi, d’habitude très calme, je panique et j’en ai automatiquement honte, mais c’est plus fort que moi. J’accours vers toi sans aucune colère, mais visiblement troublée. J’essaie de mille façons de te faire comprendre que ces objets qui ont l’air si banals, représentent beaucoup pour moi et me permettent de faire mon travail… Je me sens ridicule, égoïste, enfantine, mais c’est plus fort que moi… Et je sens qu’on reparlera de cette fois où j’ai refusé de donner mes mitaines à une personne en situation d’itinérance… Je vois les scénarios, tout en tentant de te convaincre.

Je suis maintenant très près de toi et je ne sais pas comment on en est arrivé là, parce que tout va très vite, mais on se sert dans nos bras et à quelques pouces de ton visage, je prends une respiration. Je t’explique plus calmement que ça vient de ma grand-maman et que j’y tiens beaucoup. Je n’ai pas calculé le poids de ces mots. Je sous-estime le fait de mentionner que c’est un cadeau de ma grand-mère. J’ai oublié dans les minutes précédentes que l’honnêteté ça fait son travail.

Je travaille pour me rapprocher et appliquer au quotidien, dans mon travail, mais jusque dans ma vie l’égalité des intelligences et des cultures. Parfois, j’en oublie celle du cœur, celle de deux humains qui vivent et qui se reconnaissent dans une émotion. La femme m’a entendue. Elle m’a entendue dire que c’était précieux, que je me sentais horrible de lui redemander, que c’était un cadeau de ma grand-mère et que je ne pouvais pas lui laisser. Elle aurait pu les garder, je ne les lui aurais pas retirées de force des mains, mais j’aurais eu du chagrin puis ça serait partie avec le temps… pis elle, elle aurait eu froid... encore. En fait, je vais honnêtement et honteusement vous dire avouer qu’elle a encore froid, parce qu’elle m’a redonné mes mitaines… en me souriant en plus. Un grand sourire, un vrai. Un genre de sourire fier que ta grand-mère te fait quand tu lui dis que tu as gagné un prix à l’école… Tendre et fier sourire.

La mâchoire inférieure met automatiquement tombée de stupéfaction et de… reconnaissance… j’étais indéniablement et complètement reconnaissante. J’ai pris la femme dans mes bras, je l’ai serrée, je lui ai embrassé les joues et j’ai retenu des larmes… de reconnaissance… Des mitaines… tout cela pour des mitaines et j’ai encore un peu honte, beaucoup en fait. Quand je lui ai demandé pourquoi et que je lui ai offert la doublure de mes mitaines, elle a refusé en souriant et m’a dit qu’elle me les redonnait parce que ça venait de ma grand-mère… J’ai regardé la magnifique femme inuit qui se trouvait devant moi et encore une fois comme toutes les fois où je monte à bord de mon tas de ferraille préféré pour parcourir les rues de Montréal, mes genoux ont flanché en silence.

Mon coeur a sûrement rencontré le sien quelques part dans ma panique, mais surtout rencontré le grand respect qu’ils ont des aînés. Je crois qu’on s’est serré dans nos bras au mois 15 fois et qu’à chaque fois je disais que j’étais reconnaissante. J’ai dit Nakurmiik pour la première fois de manière spontanée et en entendant pas la traduction francophone dans ma tête. Ce n'est pas merci que je ressentais… c’était Nakurmiik !

Avant que je quitte, elle s’est dirigée vers moi pour me serrer une fois encore dans ses bras. J’ai fermé les yeux, comme pour les vrais câlins que je ne sais pas si bien faire. Puis, j’ai remercié je ne sais trop quoi de faire que de si petits prétextes deviennent de si grands moments. J’apprends un peu plus chaque jour à m’inclure socialement…



Signé Jani l’égoïste reconnaissante !

mercredi 1 janvier 2014

Silence

Apprivoiser le son du silence
Il fait plus clair dans mon salon
Faire taire le bruit de l’abondance
Il fait plus clair dans ma maison

Éteindre le chant de l’impatience
Il fait plus chaud dans mon salon
Apprivoiser ses moments d’errance
J’ne suis plus toute seule dans ma maison

Vieillir à coup de tite-enfance
Il faut ride à coup de rire
Se totemiser tous les visages
Célébrer tous ses sourires

Savoir danser à contre temps
Peut-être sortir de la boîte
Laisse sortir son ti-géant
Donner l’extraordinaire à boire

Marcher dans ses souliers d’enfant
Qui courent plus vite qui flashent dans le noir
Sauter dans des flaques de joie
Pleut pas sur ceux qui croient en soi

Temple toi un peu plus le corps
Prend le temps de te parcourir le soi
Laisse entrer le son du silence
Il fera plus clair dans ton chez toi