On m’a dit de me placer face à lui. Je le
connais depuis deux jours et à dire vrai, je ne me souviens même pas de son nom…
Excuse-moi, inconnu de mon cours de hippie ! Déjà, me retrouver en équipe
avec un garçon pour un exercice dans un cours très introspectif… Je ne
m’étendrai pas en psychanalyse sur le sujet, mais... (Je vous entends soupirer de
soulagement !)
L’artiste nous a dit de regarder l’autre dans
les yeux… TU ME NIAISES ! MAMAN !!!!! J’ai fouillé ben ben loin dans
moi pour tirer la Jani adulte à la surface, qui s’était planquée ben comme il le faut dans un coin de ma tête. Je
l’ai retrouvée en boule quelque part dans une partie du cerveau qui gère le mal
aise, elle chantait toute seule… (Habitude développée en parlant au téléphone
quand je veux faire comme si j’étais tout à fait en contrôle de la situation.)
Ceci dit, je l’ai ramenée dans ses bottines. Ce n’est pas vrai que j’allais faire
ça sans elle. Après de trop longues secondes de panique, j’ai levé les yeux
vers lui. GOD ! MAMAN ! JE VEUX MOURIR ! Ben lui aussi
visiblement. Ses lèvres se pinçaient, ses sourcils se fronçaient, puis
soudainement… de l’empathie. Il avait vu la même chose, je voulais partir en
courant comme lui. Son visage s’est apaisé et le mien aussi sûrement. J’ai
aucune idée, on va se le dire, je ne peux pas voir mon visage dans ce genre
d’action.
L’animatrice nous a demandé de s’asseoir tout
en gardant le regard planqué dans celui de l’autre. MAMAN ! JÉSUS !
BOUDDHA ! MOHAMMED ! QUELQU’UN !!! Bon, je me calme. J’ai donc
entamé ma descente de manière plus mal habile que d’habitude. Il ne bronchait
pas, malgré son œil qui sautait de temps en temps. OK ! J’embarque.
On nous a demandé de prendre le même
crayon ! MAMAN ! Je vais devoir toucher sa main tout en le fixant.
L’émotive en moi, trouve que c’est beaucoup d’implication, même plus qu’un
câlin. Limite, j’ai un peu de vomi de nervosité dans ma bouche… Bon ! Pas
vraiment, parce qu'en fait ce n’est pas super propre comme expression… Alors, on se
tient le crayon de bois à qui mieux mieux et j’ai une envie folle de rire pour
ne pas exploser, parce qu’on va se le dire, il n’y a rien de drôle.
« - Vous allez fermer les
yeux ! »
MERCI !
« Vous allez respirer ensemble et
dessiner cette respiration ! »
Pis, c’est quand qu’on frenche ? Bon, bon,
bon ! Mauvaise foi quand tu nous prends. J’ai tout lâché, ne voulant pas
engager le mouvement… Tiens la vraie Jani revient… Celle qui ne veut pas
prendre le lead. Garçon à l’écoute visiblement, il a commencé à dessiner… Puis,
ben la féministe en moi a grimpé le long de ma colonne vertébrale pour imposer
quelques mouvements… Qu’est-ce que vous faites là madame ? Je vous vois si
peu souvent à la surface de ma personnalité. Ah ! Puis Monsieur résiste en
plus ! Je vais continuer… à me laisser guider d'abord.
« Ouvrez les yeux et partagez comment
vous avez vécu cela! »
On a partagé, j’en ai profité pour rediriger
mes yeux vers le planche pour respirer un peu. Puis, on a échangé quelques
rires, question de faire baisser la tension. Par habitude, j’ai commencé à dessiner
les espaces comme un mandala. Il s’apprêtait à me joindre dans ma bulle à grand
coup de crayon brun quand elle a recommencé.
« Regardez vous dans les yeux! La
personne dos au mur jaune va fermer les siens et se laisser guider pendant que
l’autre dessine »
YES ! Je suis dos au mur jaune ! Ça
va bien, je suis un bon mouton quand je suis gênée. Je suis facilement guidable.
(Je sais ça ne se dit pas pantoute ça). Puis, il me traîne dans des spirales dans le
centre de la feuille, plus vers lui, puis… que fais là ? Il décide de
dessiner plus près de moi. La petite malléable en moi se raidit, je ne suis
plus le mouvement. Aussitôt qu’il revient vers lui, je lâche prise, puis il revient vers moi… Ma main se raidit… Ben voyons !
« Ouvrez les yeux et partagez »
« J’avais moins envie de te suivre quand
tu étais près de moi… »
Est-ce que je viens de dire ça sans aucune
hésitation moi, à un inconnu? Verbalisation réussie! Mais qu'est-ce qui se passe?
« J’ai senti ça oui… »
Ah ! pis il a senti ça en plus. Il est
attendrissant l’inconnu.
« Je ne sais pas pourquoi »
Puis, on s’est mis à redessiner les espaces
vides de notre gribouilli.
« Vous allez faire le contraire
maintenant »
Je l’ai donc guidé dans un de mes dessins
organiques dans un rythme propre à moi. J’ai joué avec les vitesses, la force
que j’appuyais sur le crayon, j’ai arrêté en plein milieu pour repartir dans la
direction opposée à celle vers où visiblement il voulait aller… Du vrai de vrai
moi qui s’amuse avec les réactions de quelqu’un sur qui je fais une expérience. Tiens! Ça faisait longtemps que j'avais pas fait ça...
« Partagez! »
Ben, on a partagé, rit, puis c’était
terminé, juste quand l’adulte en moi était en train de prendre toute la place,
du moins qu'elle avait calmé l’enfant en lui disant que les deux pouvaient
cohabiter.
« En passant, moi c’est Jani !.
« Xavier »
Merci Xavier !
Ésotérique shit ! Tu m’as eu !