Je vous répondrai par la mine de mon crayon.

Il y a plusieurs façon de crier, ma préférée c'est le silence.

samedi 23 février 2013

J'ai parlé à mon voisin...


« Que Dieu vous bénisse madame ! »

Bénédiction matinale en plein milieu de la métropole, je viens de me faire offrir l’appui ultime en réaction à une poignée de change qui vient de faire un bruit froid en tombant dans une saucière en forme d’oie. J’ai l’impression de me trouver devant un ange en porcelaine, dans une église, qui viendrait d’hocher la tête suite à un don déposé dans sa tirelire. Les dieux viennent de se rabattre sur moi pour mon reste de change.

Je suis bénie, mais je suis insatisfaite. Un peu déçue de ne pas avoir à lui offrir plus de temps, je continue mon chemin en marchant en reculons, lui disant de passer une belle fin de journée et d’aller se réchauffer un peu.  Et voilà, je viens de le faire j’ai été maternelle. Je lui ai prescrit ce que je croyais bon pour lui, s’asseoir dans un café entouré d’étudiants qui tapent sur le Macbook Pro avec leur très grand café latté extra machin en main. Réflexe de bonne samaritaine, je veux le faire rentrer dans le moule, contre une poignée de change.

« Ça fait une heure que je suis là et personne ne m’a rien donné »

Pas surprenant, ici dans le quartier, il est plus sexy d’aller faire un voyage humanitaire en Amérique du Sud que d’aider son voisin qui en arrache. Je ne fais pas le procès de ce genre d’initiative que j’admire. J’ai pourtant la même vision ici devant moi sur une rue du Plateau Mont-Royal, un homme les yeux pleins d’eau qui vient de refuser le café que je voulais lui offrir pour je ne sais quelle raison, mais je m’en doute bien.

Ici, tout va bien à Montréal… Pourtant, alentour de vous, cohabitant à vos côtés, citoyens d’une autre manière, il y a plus de 30 000 personnes en situation d’itinérance juste sur notre belle île.

Et s’il prenait mes sous pour se faire une ligne, se piquer, boire ou autre. Est-ce que je viens de subventionner sa descente aux enfers ? Est-ce que je viens de contribuer au fléau de l’itinérance ? Est-ce que je viens d’encourager le fait qu’il quête ? Avouez que vous vous posez tous ces questions là. Puis, vous sentez l’envie soudaine de revenir sur vos pas et reprendre les 25 sous en lui disant que dans le fond c’est mieux pour lui comme ça. Je me demande bien ce que le petit  ange en tirelire aurait fait comme signe devant tant de questionnement face à votre don. Il aurait simplement resté bouche bée et aurait tendu sa main pleine de votre change pour vous le redonner honteux.

Pourtant votre argent vient de faire bien plus et si vous l’avez accompagner d’un sourire et d’un échange vrai et sincère, vous venez de briser la chaîne d’ignorance qu’il subit depuis la matinée. Je vous vois venir avec vos contestations.

« Je ne vais pas donner à chaque personne en situation d’itinérance que je croise !?!? »

Ça ne changerait effectivement rien, votre argent a mis un baume sur son angoisse économique du moment. Il respire un peu mieux pour quelques instants. Tout est dans la vision que vous avez. Soit vous voyez un peu de change qui se secoue sur la rue Laurier dans un bruit qui fout la culpabilité à tout le monde, soit vous voyez derrière la petite saucière en forme d’oie, un homme assis dans la neige qui vous regarde.

« Un peu de change madame ? »

On vient de m’adresser la parole, j’angoisse. Normalement, je devrais répondre. On m’interpelle. Cependant, je sais que je n’ai plus de change, puisque je viens de la donner à une petite oie qui ma valut d’être bénie des dieux. Que vais-je faire ?

«  Bonne journée Monsieur »

« … Merci ! »

Je panique, je n’ai rien donné, je n’ai donc aucune raison d’interagir avec lui, j’ai honte…

« Vous aussi madame ! »

Il vient de me répondre… Il a répondu à mon « bonne journée ». J’ai salué mon voisin, j’ai salué un montréalais qui m’adressait la parole !

Un livre, des mitaines, un breuvage, du change, un bonjour, un sourire, des feuilles et un crayons, un muffin fait maison, le restant de votre souper d’hier, une pomme de votre sac d’épicerie ou tout ce que vous avez sincèrement envie de partager sont de mise.

Et si vous avez plus de temps, osez dire un « Comment ça va ? », allez chercher des laisser passer pour les hébergements que vous pourrez donner lorsqu’on vous demande de l’argent, commentez la chanson qu’il joue à la guitare, penchez vous à sa hauteur pour lui parler, toucher lui l’épaule… Voilà des gestes simples qui deviennent aucunement naturels lorsqu’on se retrouve devant une personne en situation d’itinérance. Permettez vous de ne pas avoir de change et de prendre 30 secondes de votre journée pour donner ce qu’il y a de plus précieux, votre temps et votre considération libre de pitié. Mettez fin à l’ignorance. Vous parlez à un voisin… tout simplement.

vendredi 8 février 2013

Je suis une brute devant votre art brut


Je suis là, tout sourire debout devant vous…
Je suis là, toute civilisée, police interne en règle, civilité posée et savoir être programmé.
J’ai mes petites feuilles en main, mon crayon prêt à noter, mais noter quoi ?
Armés de vos crayons, de votre peinture, de votre art instinctif ou votre art brut comme ON a décidé de l’appeler, vous oeuvrez déjà… Votre art quoi ?

J'ai les doigts qui pianotent sur mes hanches, mes dents qui mordillent mes lèvres, je ne suis pas d’attaque… à Go je rentre dans ta bulle de création, de calme et d’authenticité pour te poser des questions avec ma petite police interne toute réglée…
…GG…OO…Ok go !

Tu fais de l’art pourquoi ? Tu fais de l’art à quoi ? Tu fais du dessin quand, tu aimes ça ? Tu te sens comment ? Tu veux que les gens se sentent comment ? Quelle est ton émotion ? Tu ressens quoi ?  Ton cœur dit quoi ? Est-ce que tu souris ? Es-tu bien ? Aimes-tu ça ????? J’ai mille questions pour toi…

J’ai plus envie de me taire et te regarder tracer des lignes qui ont l’air si claires si évidentes pour toi. Puis, je me retiens à deux mains pour ne pas plaquer mon nez contre ta joue, coller mon front sur ta tempe et prendre une grande respiration de toi… Ça paraîtrait mal pour les gens… Tu sais ceux qui pointent du doigt…

Entre temps, tu m’as répondu que tu aimais le beau temps, que tu étais presqu’un artiste, que tu allais te déguiser en chat à l’halloween, que tu voulais faire cela pour prouver que malgré ta différence tu pouvais faire des choses, que tu trouves mes cheveux magnifiques, que je suis belle, que tu m’as dessiné un cœur… pis à tout coup la gorge me serre. J’ai encore rien compris avec mes foutus questions… j’ai encore rien saisi de ce que tu étais entrain de faire.

Dis moi que je peux me foutre le nez dans ton visage, dis moi que si je m’approche assez de toi, je vais pouvoir tout comprendre… tout saisir… mais est-ce qu’on veut vraiment comprendre ? Est-ce vraiment important de saisir ?

Toi, réponds moi ou dis moi de me taire. Prends ma main et fais moi dessiner, moi qui ne touche pas à un crayon, parce que je pense que je pourrais gâcher la feuille, parce que j’ai aucun talent pour la perspective… j’aime tellement ta perspective…

Juste te prendre la main et foutre mon nez dans ton visage. Prends ma police interne réglée, ma civilité posée et mon savoir être programmé pis fous les à la porte pour moi… Fais ça pour moi, apprends moi l’authenticité, le moment présent, l’art d’être un artiste un vrai… l’art instinctif ou brut… que dis-je l’art VRAI !