Je suis en colère. Je suis déçue. Je tiens la barre par fierté. Je ne cède pas par conviction. Nous sommes en trêve. Le Larousse nous suggère plusieurs définitions pour ce mot : cessation temporaire de tout acte d’hostilité, suspension d’acte quelconque, temps d’arrêt dans quelque chose de difficile, de pénible. Toutes se collent parfaitement à la présente trêve imposée aux étudiants. C’est lorsque l’on regarde les synonymes que je deviens pessimiste : accalmie, pause, relâche, répit. Je ne me sens pourtant pas calme et en relâche.
Nous sommes en attente d’un résumé d’une actuelle discussion entre la ministre Beauchamps et les représentants étudiants. Je devrais être soulagée, je devrais être heureuse que nous nous retrouvions enfin assis à cette table. Pourtant, je sens le moment de la fin approcher. Vous direz peut-être que ça devrait me réjouir, mais je n’y arrive pas. Les mines sont bases parmi les militants, même que de grands sont tombés au combat. Vous nous avez vu crier, brasser, revendiquer, pleurer, rire, chanter, marcher et pour les 48 heures qui suivent vous entendrez notre silence. L’angoisse plane. La fin approche et on a appris plusieurs choses, mais une en particulier, ne pas avoir trop d’espoir.
J’ai le cœur gros que tout ce finisse et que peut-être le résultat soit moindrement satisfaisant. Jusqu’où accepterons nous de faire des concessions pour mettre fin à la crise et retourner sur les bancs d’école. Et oui, même les plus radicaux ont pour but de retourner asseoir leurs fesses dans les classes et apprendre, mais pas à n’importe quel prix. Cependant, plus le débat avance, plus le mouvement dure, plus j’ai l’impression que notre prix baisse en même temps que la motivation. Il est doux de tout sacrifier pour de grands changements, mais difficile de l’assumer quand on se fait offrir des poussières.
Je ne sais pas comment se terminera tout cela. Je ressens une immense fierté d’avoir fait partie de ce mouvement. Je suis encore prête à perdre beaucoup individuellement pour bonifier le bien-être et le savoir collectif, mais aujourd’hui les teints et les visages sont aussi gris que le ciel. Nous sommes en trêve et c’est angoissant, puisqu’il ne s’agit pas réellement d’un repos pour les deux clans, mais bien d’une attente…
Aujourd’hui, je n’ai plus vraiment de mot, j’ai plus une envie de crier. Un long crie, celui qui vide les poumons et qui fait frissonner tout ceux qui l’entendent. C’est en devenant adulte que l’on découvre que l’attente peut avoir une lourdeur et une humidité incroyable. Rien à voir avec le jour de Noël, celui de son anniversaire ou le retour d’un ami parti en voyage. C’est plus une attente où tout peut se perdre, où le coup de théâtre qui suivra me fait peur. J’ai l’impression d’écouter un film d’horreur et d’appréhender un moment violent en me cachant à moitié le visage de mes mains, attendant de voir si la scène sera horrible.
J’espère que peu importe le résultat, on se souviendra :
Du mouvement incroyable de solidarité
Du pouvoir de mobilisation
De la force de l’âme et du nombre
De la jeunesse au service de la communauté
De l’intelligence et la pertinence des actions
Du vouloir de pacifisme des étudiants
De l’ampleur de la chose
Du 22 mars 2012
Des professeurs
Du Fil rouge, de l’École de la montagne rouge, du Rabbit Crew, de la Ligne Rouge, de la Boîte Rouge, de Fermaille, etc.
Du carré rouge
Du mouvement étudiant comme étant la base du Printemps Québécois.
Et puis nous, on attend…