Je vous répondrai par la mine de mon crayon.

Il y a plusieurs façon de crier, ma préférée c'est le silence.

mercredi 12 octobre 2011

Consommation affective


Viens ici que je te consomme, que je te consume, que je fasse de toi l’objet qui fera que j’irai mieux. Viens que je te siphonne, que je t’enlève ton essence pour la boire et ensuite la recracher par terre. Viens…. Ose juste un peu avancer vers moi que je te tentacule, que je t’aspire l’inspiration, que je te sabote les fondations. Viens ici mon ami, que je passe du temps avec toi qu’il soit de qualité pour moi, peu importe ce qu’il représente pour toi. Je ressortirai grandi de tout cela et puis toi… Toi je m’en fou. Viens mon ami…

Les relations humaines ont beaucoup changé passant d’un symbole, pièce de monnaie que l’on coupait en deux en signe d’amitié, à un doux compteur sur internet. Un compteur qui vous tient au courant à chaque jour de votre popularité.  Une popularité basée sur le désir d’agrandir son réseau social, d’agrandir ses tentacules autour des gens de manière à garder le contact ou le contrôle.

Trop souvent, on entend par ici et puis par là des « C’est mon ami » ou « Je te présente mon ami ». Vous savez, les gens ne seront pas insultés de se faire simplement présenter par leur nom, sans être associés à une relation avec vous.  Juste de souligner le statut prouve que ce dernier est fragile et que cette personne pourrait être présentée tout autrement. Vive les noms, juste les noms.

À l’extérieur de la grande toile internet, les relations se vivent d’une bien drôle de manière. On fréquente les gens pourquoi ? J’ai parfois l’amer impression que les amitiés se choisissent comme sur un grand étalage dans le but de satisfaire nos besoins. L’amitié est devenue consommation. Voici mon ami ! Voici mon meilleur ami… Peux-tu me dire son nom ? Peux-tu me dire ce qu’il t’apporte dans la vie ? Oh ! Ça assurément ! Maintenant peux-tu me dire ce que tu lui apportes ? Probablement pas. Pire encore, peux-tu me dire jusqu’où tu es prêt à aller pour cette personne ? Probablement jusqu’à marquer présent à son prochaine événement Facebook, sans pour autant penser y aller.

L’implication émotionnelle et relationnelle, la vraie, c’est déroutant. On veut s’enfuir à toute jambe lorsqu’on l’aperçoit autant en amitié qu’en amour. L’inconditionnel, c’est renversant, c’est dur à accepter et c’est comme une patate chaude entre nos mains.  On la passe au voisin, on se dissocie de celle-ci.  Viens mon ami que je t’aime, que je sois là pour toi, que je te connaisse comme le fond de ma poche. Ça fait peur, ça s’approche de l’amour. C’est sincère et ça n’a pas besoin de grand discours. Sinon… ça cache autre chose.

Il y a pourtant des amitiés des vrais, celles qui vivent dans nos trippes et que nous n’avons pas besoin d’arroser pour qu’elles grandissent. Celle qui vivent de par elles-mêmes. Celles qui se lèvent sagement chaque matin, sans en demander plus. Elles sont, elles durent tout simplement, tout doucement. Celles qui s’engueulent, pour vrai. Celles qui osent dire. Celles qui font qu’on est quelqu’un. On est nous dans notre complexité et notre simplicité, sans vouloir aller plus loin, sans pédaler pour satisfaire ou sans ramer pour prendre.  Mais surtout celles qu’on accepte stagnantes, en plan, au neutre et en attente. Celles qui savent être patientes, celles qui observent au lieu d’agir. Celles qui mettent dans nos esprits le doux désir de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que cette personne soit heureuse.

Replacez vos amitiés les plus profondes dans votre tête et demandez vous pourquoi vous les appréciez… Elles vous font grandir… Elles vous font pleurer de joie, de tristesse, de colère et de bonheur… Elles ne vous en demandent pas plus que de rester vous-même…

Je les identifie comme les gens qui sont là et qui pourront être en mesure de marcher à mes côtés autant sous mes mauvais que mes beaux jours. Plus je vieillis et plus je peux les compter sur les doigts d’une main et encore…  J’ai un compteur Facebook bien gonflé. J’ai un blog… même deux… Je cherche quoi, une reconnaissance universelle ? Non.  La popularité c’est une chose, mais il n’y a rien qui me fait plus chaud au corps que de savoir que parmi les 100 personnes qui ont lu un de mes textes, mes meilleurs amis et ma famille ont pris le temps de le lire. 

L’amitié est plus simple et beaucoup moins épuisante que vous le croyez ou que vous le vivez.

Je ne vois pas comment on peut adéquatement tomber en amour quand nos amitiés sont déficientes… Commençons par la base mes amis. Faisons des châteaux de lego avant de vouloir construire Notre-Dame de Paris. Mais ça c’est une autre histoire…